
[Newsletter 1] Depuis les Favelas de Sao Paulo
Salut à tous,
Comment allez-vous ?
Pour la 7ème année consécutive, nous avons repris notre balluchon afin de mettre nos compétences au service d’une ONG exceptionnelle pendant nos vacances d’été. Cette année, avec Sarah, nous vous proposons de partir avec nous au Brésil au sein d’une organisation franco-brésilienne appelée Arca Do Saber située en plein cœur des favelas de Sao Paulo.

Pour ne rien vous cacher, nous sommes partis avec quelques préjugés : des inégalités sociales au plus haut niveau, des quartiers parfois dangereux mais une ambiance de folie. Nous n’étions pas au bout de nos surprises…
Notre arrivée :
Ayant atterri à Rio de Janeiro, nous en avons profité pour découvrir la splendide vue au coucher du soleil depuis le sommet du pain du sucre avant de nous diriger vers Sao Paulo. Très gentiment une famille d’expat avait accepté de nous prêter son appartement. Lorsque nous sommes arrivés devant le double sas de sécurité gardé 24h/24, nous avons compris que l’on arrivait dans un autre monde. Doté d’une vue panoramique, d’une piscine, d’une salle de sport, de personnel pour la cuisine, le ménage…, l’appartement est situé dans le plus beau quartier de la ville. Dès le premier jour, nous avons compris qu’il faudrait faire le grand écart tous les matins entre les quartiers où résident « l’Élite » et les classes sociales les plus en difficultés.

À notre arrivée, Thais la directrice de l’ONG nous a chaleureusement accueillis et présentés à toute l’équipe. Étant dentiste, Sarah a pour mission de faire un contrôle dentaire tous les jeunes de l’ONG afin d’identifier de possibles cas critiques et de collecter des données pour convaincre la municipalité de débloquer du budget. De mon côté, je suis chargé d’une mission de mesure d’impact sur un de leurs programmes éducatifs.
À l’entrée de la Favela :
Bien que réputées moins dangereuses que celles de Rio, les favelas de Sao Paulo demeurent d’importants points de trafic de drogue. En entrant dans la favela, nous avons remarqué 3 guetteurs qui filtrent toutes les allées et venues de cette entrée.

Placés à des endroits stratégiques, ils sont capables de retrouver n’importe qui en l’espace de quelques minutes avec leurs talkies-walkies notamment les policiers en civile. Le gang armé étant situé au bout de la rue, nous avons vite compris qu’il ne fallait pas se balader n’importe où et qu’il fallait respecter quelques règles. Afin d’être identifiés comme volontaires, nous portons des gilets fluo marqués Arca Do Saber.

Ce qui nous a frappés, c’est la perception de la police où les habitants ont plus peur de ces derniers que des trafiquants. La veille de notre arrivée une grosse descente de police avait eu lieu en représailles du braquage d’une bijouterie. Ce sont les moments les plus dangereux où ça peut canarder. De leur côté, les trafiquants font tout pour maintenir la paix et éviter les vols. Lorsque les habitants se rebellent, c’est mauvais pour le business.
L’âme de la favela :
Convaincu qu’il faut aller au-delà de cette première réalité, André le leader communautaire en charge de toutes les questions liées au logement (accès à l’eau, à l’électricité,…), nous a emmené visiter son quartier. En nous enfonçant dans les petites ruelles invisibles de l’extérieur, nous avons découvert l’âme de la favela. De nombreux artistes se sont exprimés directement sur les murs des maisons. Le dénominateur commun : c’est la mosaïque.

Mais pourquoi ces matériaux ? D’après André, la mosaïque c’est l’expression de la diversité. À partir de pièces différentes, on constitue un ensemble harmonieux et magnifique. Nous nous sommes ensuite rendus dans une chapelle où les vitraux étaient fabriqués à partir de bouteilles incrustées dans les murs. Auriez-vous imaginé une salle de danse de ballet dans la favela ? C’est pourtant le cas ! De nombreuses initiatives positives existent. La culture et l’art sont des leviers de changement puissants. Les leaders de la favela l’ont bien compris !

Après une semaine au sein d’Arca Do Saber, nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Avant de conclure cette 1ère newsletter, deux constats : la gentillesse des Brésiliens et leur goût pour la musique. La musique, c’est l’un des éléments qui réunit tous les Brésiliens quelque soient leurs origines sociales, ethniques ou encore leur âge.
N’hésitez pas à nous envoyer de vos nouvelles.
Belles vacances à tous et à très vite,
Sarah & Romain
[Newsletter 2] Le Super Pouvoir d’Arca
Salut à tous,
J’espère que vous allez bien.
Voilà deux semaines que nous sommes à Sao Paulo. Avec Sarah, nous avons tranquillement pris nos habitudes où tous les matins, nous nous rendons chez Arca dans le cadre de notre mission.
Les principaux enjeux dans la Favela de Vila Prudente:

Ce qui m’a marqué, c’est que la plupart des 8000 habitants de la favela vivent en quasi-vase clos. En dehors de ceux qui travaillent en dehors, peu d’habitants sortent à l’extérieur. De nombreux habitants se sentent inférieurs voire inutiles au regard de la société. L’institut IPSOS a publié une étude sur cette favela soulignant que 67% des habitants avaient une faible estime d’eux-même.
D’autres indicateurs ont retenu mon attention : 64% des familles vivent avec un revenu inférieur à 320 € par mois, 50% n’ont pas accès à des services de santé, 52% ne sont pas allées au-delà de l’école primaire et 28% des familles ont eu un cas de grossesse à l’adolescence.
L’ONG Arca:

C’est dans ce contexte qu’est né l’ONG Arca, il y a une vingtaine d’années. Leur mission : accompagner le développement des habitants de la favela en favorisant leur autonomie et leur confiance en soi tout en leur offrant des opportunités d’éducation et de formation.

Depuis notre arrivée, nous avons découvert leurs 2 principaux pôles d’activité :
- Arca Do Saber : les familles n’ayant souvent pas les moyens de payer des activités en dehors de l’école, les enfants âgés de 6 à 14 ans sont souvent livrés à eux-mêmes et exposés à des risques comme le trafic de drogue. Arca propose des activités socio-éducatives, linguistiques et sportives à plus de 130 enfants afin qu’ils puissent développer leurs softs skills et notamment leur estime de soi.
- Arca Do Crezer : les jeunes et les adultes ayant un faible niveau de scolarité sont souvent victimes de préjugés et manquent d’opportunités professionnelles. A partir de 15 ans, Arca propose 13 formations professionnelles certifiantes reconnues par l’Etat (boulangerie, la vente, la logistique…) via leur centre de formation et d’orientation.
Le super Pouvoir d’Arca :

Pour une ONG de 32 collaborateurs, j’ai été impressionné par les partenariats durables qu’ils ont réussi à mettre en place avec des grands groupes comme : l’Oréal, Véolia, Givaudan, Lesaffre, BNP, ID logistics, Alstom, Air Liquide, Leroy Merlin…
D’après Thais, la présidente de l’ONG, leur stratégie de partenariat repose sur 4 axes :
- Sortir d’un positionnement axé sur la charité en adoptant une approche de solution liée aux enjeux de la favela.
- Une gouvernance saine et une équipe terrain solide. Arca a réussi à rassembler une équipe de professionnels talentueuse qui surprend souvent lors des visites terrain.
- Une démarche basée sur des indicateurs fiables. Arca a structuré un partenariat avec IPSOS apportant un gage de crédibilité aux données communiquées aux partenaires.
- Un mode de fonctionnement agile et flexible permettant de répondre rapidement et au plus proche des critères de sélection et de budget des entreprises.
Un ingénieux mécanisme de donation instauré dans l’Etat de Sao Paulo

Un matin, j’ai été surpris par José, un employé de l’ONG concentré à saisir un énorme sac de tickets de caisse sur son ordinateur. Il fallait que j’en sache plus…
Au Brésil, une grande partie de l’économie étant encore informelle, l’Etat de Sao Paulo a eu la brillante idée de mettre en place le projet Nota fiscal Paolista visant à inciter les particuliers à demander une facture lors de leurs achats.
En communiquant son numéro fiscal lors d’un achat avec facture, le client bénéficie d’un cashback pouvant aller jusqu’à 20% du montant de TVA. Deux options s’offrent à lui : garder cet argent ou le reverser à l’ONG de son choix. L’avantage de ce financement pour les ONG comme Arca, c’est que ces dons sont non tracés, c’est-à-dire que l’ONG peut les dépenser comme elle le souhaite.
Un musée à ciel ouvert :

Ce qui est magique à Sao Paulo, c’est la dimension artistique et culturelle. Sur les 5 dernières années, le street art s’est considérablement développé avec de magnifiques fresques murales peintes sur des immeubles défraîchis. Comment expliquer cet essor ? Et surtout qui paye pour ce musée à ciel ouvert ? Un guide local nous a expliqué que la ville et les pouvoirs publics n’avaient pas de budget à allouer à ce genre d’initiatives. Cependant, devant faire face à de nombreux tags sur leurs immeubles, des bailleurs privés ont constaté que ces fresques étaient de formidables moyens de les combattre. C’est ainsi que des entreprises privées se sont mises à financer ce type d’initiatives. Pourrait-on imaginer transformer certains lieux-dits « craignos » en France en de magnifiques lieux artistiques ?
Merci pour l’intérêt ! La semaine prochaine, nous vous parlerons de nos missions chez Arca !
Portez-vous bien, Belles vacances à tous et à très vite,
Sarah et Romain

[Newsletter 3] Notre Mission chez Arca
Salut à tous,
J’espère que vous allez tous bien.
Après 3 semaines passées au Brésil, il est temps de vous parler de nos missions respectives au sein de l’ONG Arca.
Mesure d’impact d’un programme éducatif:

Comme toute ONG, la mesure de l’impact est un enjeu clés. L’équipe en charge du programme Arca Do Saber a jusqu’à maintenant construit ses rapports d’impact à partir des indicateurs demandés par ses donateurs. Par exemple, la mairie – principal financeur du programme s’intéresse à des données très factuelles telles que: le taux de réinscription d’une année sur l’autre (90%) ou encore le taux de participation des bénéficiaires (88%).
Thais, la présidente de l’ONG, m’a chargé de réfléchir à de nouveaux indicateurs qui leur permettraient de mesurer l’impact de ce programme dans la durée. Ces derniers leur permettraient d’itérer plus facilement sur la construction de leur programme pédagogique. En collaboration avec les professeurs, une psychologue, la responsable pédagogique et la responsable de l’évaluation, je suis chargé de développer un framework permettant de mesurer le développement de l’estime de soi et des soft skills chez les enfants du programme.
Projet dentaire de collecte de données terrain:

Du côté de Sarah, Arca était intéressée par une mission de screening des 130 enfants du programme puis de collecte de données en vue de construire un nouveau projet au sein d’Arca. Avant notre arrivée, Sarah s’était inspirée des recommandations de l’organisation mondiale de la santé pour construire deux documents: un questionnaire quantitatif (suivi dentaire, habitudes alimentaires,…) et un compte rendu clinique.
Pendant 3 semaines, Sarah a reçu tous les enfants dans un cabinet médical improvisé au dernier étage. Chaque visite a fait l’objet d’un rapport détaillé permettant: d’identifier les cas critiques afin de définir un plan de prise en charge d’urgence avec la dentiste partenaire et collecter suffisamment de données sur l’état de santé dentaire des enfants pour monter un projet de financement pérenne.
Le royaume du Foot:

Comme vous l’aurez deviné, au Brésil le foot c’est presque une religion. Lors des grands matchs, on nous a expliqué que les rues sont absolument désertes. Il est aussi très commun d’aller jouer au foot entre collègues en sortant du travail. C’est ainsi que j’ai été invité par des employés du métro de Sao Paulo fervents supporters de l’équipe de Corinthians pour un de leurs tournois hebdomadaires, le vendredi soir. Ce que je peux vous dire c’est que le niveau était dingo.

Nous nous sommes aussi rendus au stade Morumbi (80 000 places) où se déroulait un match de championnat du Sao Paulo Futbol Club X Bragantino. Etant dans l’impossibilité de trouver des billets, un agent de sécurité du stade nous a vus perplexe au milieu des supporteurs. Hyper gentil, il s’est plié en quatre pour nous aider à trouver des billets. Résultat victoire 3-0 à domicile – l’ambiance était clairement au rendez-vous ! Ce qui nous a beaucoup surpris c’est la proportion de femme et d’enfants venus supporter leur équipe favorite. Aller voir un match semble être une activité familiale.
La Samba:

La musique et la danse font partie du quotidien des Brésiliens. Ce que l’on a vite remarqué avec Sarah, c’est qu’il serait impossible de les égaler en danse. Nous nous sommes donc contentés d’apprendre les pas de base du forro et de la samba. Tous les dimanches (même en hiver), la ville ferme aux voitures l’une des principales avenues de Sao Paulo – l’avenue Paolista. En remontant l’avenue, des centaines de chanteurs et danseurs s’installent pour partager leur style de musique.

Ce qui est encore plus impressionnant ce sont les écoles de Samba qui répètent toutes les semaines pour préparer le carnaval. Il s’agit d’un championnat digne du foot avec différentes ligues. Lors du carnaval, jusqu’à 4000 personnes d’une même école de Samba peuvent passer en même temps devant les jurys. C’est une organisation de dingue ! Lors des répétitions, ce qui nous a marqué au sein de l’école Vai Vai, c’est le caractère très familial de ces répétitions où l’on y a trouvé des personnes de tous les âges.
Encore une dernière semaine et ce sera le grand retour !
Belle journée à tous,
Sarah & Romain

[Newsletter 4] Les résultats de notre Mission
Salut à tous,
Notre aventure aux côtés de l’ONG Arca touche déjà presque à sa fin. Pour la 7ème année consécutive, nous avons eu le privilège de partager le quotidien d’une équipe d’activistes incroyables. Lorsqu’on regarde la télé, on peut parfois avoir un coup de blues en se disant que le monde va mal. En prenant le temps de chercher, je peux vous dire que d’innombrables initiatives positives comme Arca existent et changent le monde sans autant faire les grands titres.
Atteindre un objectif d’impact, c’est complexe :

L’objectif du programme d’Arca Do Saber est très clair : développer l’estime de soi et les soft skills chez les enfants de 6 à 14 ans. IPSOS avait mesuré que 67% des habitants de la favela avait une faible estime d’eux. Pour mesurer l’impact d’Arca Do Saber, nous avons construit un framework intégrant 54 questions contextualisées portant sur : la prise de décision, le contrôle de soi, la résilience, la communication, l’empathie, la relation avec les autres, l’estime de soi et la confiance en l’avenir. En appliquant chaque année ce framework, Arca pourra suivre le développement de chaque enfant accompagné et les aider à faire évoluer leur programme pédagogique.
Ce qui est complexe dans la construction d’un programme, c’est la prise en compte d’autres facteurs qui sont indispensables à l’atteinte d’un objectif central. Chez Arca, il était nécessaire de développer d’autres programmes sur la santé, la nutrition ou encore l’accompagnement des parents pour pouvoir avoir un impact sur l’estime de soi des enfants qui était l’objectif .central
Un futur projet dentaire :

Suite à son screening médical sur les 130 enfants d’Arca do Saber, Sarah a pu analyser l’ensemble des données collectées (extrait des questionnaires ci dessus) et les présenter aux professeures d’Arca. Cela a permis de mettre en évidence certains constats telle que : 50% des enfants n’ont jamais vu de dentistes, 49% des plus âgés ont honte de leur sourire, 40% des enfants doivent soigner rapidement des caries dont 11% qui sont dans un état critique… Sarah a ainsi pu définir une liste de prise en charge par ordre de priorité ainsi qu’une liste de recommandations liées à la prévention directement applicable par les professeures (habitudes alimentaires, visite de dentiste régulière, brossage de dents…). Graphe ci dessous sur la répartition des caries par tranche d’âge.

Le dossier de Sarah sera complété par un budget qui permettra ensuite aux équipes d’Arca de faire financer ce projet auprès d’un partenaire. Pendant notre période sur place, Thais la présidente a sécurisé un premier partenariat avec une dentiste qui va prendre en charge les enfants identifiés par Sarah. Ce qui a beaucoup marqué Sarah pendant cette mission, c’est la gentillesse des enfants lorsqu’elle s’occupait d’eux.
Le père Assis et Cida – Deux leaders respectés dans la favela :

Le père Assis est unique en son genre. Avec ses airs de rasta, c’est lui qui assure le rôle de prêtre dans la favela. Originaire du Cap-vert, il a accepté de tout quitter pour venir s’installer à Vila Prudente où il réside depuis 10 ans. Au-delà de se mettre au service des plus démunis, il suit des cours de droit afin de défendre les prisonniers condamnés injustement. Le racisme étant encore présent, être de couleur noire et sans argent ne sont pas des avantages. D’après Assis, il est impossible de se battre si l’on ne connaît pas ses droits.
Cida, c’est la responsable de la cuisine d’Arca. Après un passage dans un grand restaurant, elle a tout plaqué pour se rapprocher de sa famille habitant la favela. Bien que ses plats soient délicieux, son rôle va bien au-delà. Ayant de la famille proche haut placée dans le trafic de drogue, c’est elle qui joue le rôle d’intermédiaire avec Arca. Par exemple, le jour où Valérie Trierweiler est venue visiter la favela, aucun raté n’était permis. Grâce à Cida, tout s’est bien passé.
Une belle surprise pour notre départ :

Pour notre dernier jour chez Arca, les enfants et leurs professeurs, nous avaient réservés une belle surprise dans la cantine. Ils nous ont offert une belle boîte faite maison dans laquelle les enfants nous ont fait des dessins. On vous laisse-en découvrir quelques-uns! Une attention touchante pour notre départ ! Ce qui a fait la réussite de ce projet, c’est le bon match entre les attentes d’Arca et nos compétences.
Dans la favela de Rocinha, c’était plus chaud…

A Rio, 3 clans s’affrontent : les Red command, les Third command et les ADA. Hier matin, nous étions dans la favela de Rocinha à Rio avec un guide local. A Rocinha, c’est le territoire des Red command. On le voit sur les murs où sont taguées les initiales CV #Command Vermelho. Impossible de prendre des photos ici mais voici ce qui nous a marqués…
Le réseau est très organisé. A chaque entrée sont postés des guetteurs chargés de prévenir des descentes de police. Plus on se rapprochait, plus les gardes étaient lourdement armés.. Ce qui nous a sauté aux yeux : c’est l’âge des gardes. 14-15 ans devait être la moyenne.. Le 1er que nous avons croisé devait avoir 12-13 ans maximum. Il marchait avec un AK 47 orné d’une tête de mort.

Un peu plus loin, c’était le point de deal. Plusieurs dizaines de gardes armés d’AK 47, fusils à lunettes ou machine guns montaient la garde près d’une table installée en pleine rue. Cocaïne et Marijuana étaient les principaux produits disponibles à la vente. Un peu à l’écart dans un bar, nous avons vu le comptable trier plusieurs liasses de billets. Cela nous paraissait hors normes mais en réalité, il s’agissait d’une scène du quotidien dans la favela. Nous voyant un peu perplexe, l’un des chefs du clan s’est rapproché du guide et nous a dit : « ne vous inquiétez pas, vous pouvez être relax. Vous n’avez rien à craindre ici. Juste pas de photos ».
On nous a expliqué que le trafic avait d’autres sources de profits comme le racket. Lorsqu’un business souhaite s’implanter dans la favela, il doit payer des « taxes ». Cela concerne surtout les activités de: vente de gaz, transport, installation de wi-fi et de câble TV qui rapportent jusqu’à 400k€ par semaine. En contrepartie de ces profits juteux, ces petits chefs de guerre locaux, ne peuvent pas sortir de la favela et leur espérance de vie est très courte.

Ce qui est contre-intuitif c’est que ces organisations ne sont pas uniquement vues comme mauvaises par la communauté. Dans certains cas, ils vont aider certaines familles dans le besoin avec de la nourriture, des médicaments… Ils vont plus aider que le gouvernement qui a parfois abandonné les familles en désertant ces quartiers.
Nous n’aurions jamais fait cela sans un guide connaissant parfaitement le secteur et surtout ayant les bonnes connexions. Ce qui restera gravé, c’est l’âge de ces jeunes qui se sont laissé embarquer. Peut-être par manque d’opportunités qui leur sont offertes ou certains qui ne croient déjà plus dans leur avenir. D’autant plus que le guide nous expliqua qu’un cercle vicieux se mettait en places car beaucoup de femmes sont enceintes vers 15-16 ans et se retrouvent à élever seules leurs enfants. Ayant des difficultés à joindre les deux bouts, cela a souvent un effet néfaste sur l’éducation et les perspectives d’avenir de ces derniers.
Pourquoi tant de gens continuent à s’entasser dans les favelas ?

L’une des principales raisons : c’est le transport pour aller au travail. Beaucoup d’habitants travaillent dans le centre de la ville. Habiter en dehors des favelas nécessiterait trop de temps et coûterait trop cher.
Bien que souvent délaissés par le gouvernement, les habitants des favelas sont indispensables au bon fonctionnement de la ville. Les chauffeurs, les agents de sécurité, les caissières, les techniciens de surfaces, les nounous… habitent pour la plupart dans les favelas. Les trafiquants de drogue que l’on a en tête ne représente qu’une infime minorité.
A la fin de cette journée pleine de découvertes, nous avons fait la connaissance d’un groupe de capoeira talentueux. Ils nous ont partagé leur art et leur passion. Des incroyables talents, il y en a aussi dans la favela de Rocinha.
Demain sera le grand retour !
Belle journée à tous et à très vite,
Sarah & Romain
