
[Newsletter 1] Arrivée et rencontre avec Nyaka
Salut à tous,
Je suis arrivé à Kampala depuis lundi matin. Je sais que certains me diront que j’ai clairement tardé à donner des nouvelles. C’est vrai et pour une fois, je n’ai pas vraiment d’excuse!
J’ai commencé cette nouvelle aventure passionnante par ni plus ni moins un tour du monde! Si vous souhaitez obtenir des billets d’avion pas trop cher en s’y prenant une semaine à l’avance, soyez prêt à faire quelques arrêts! J’ai apprécié une bière et des frites à Bruxelles, un bon café à Amsterdam, des chansons africaines à Nairobi, rien d’intéressant à Kigali pour finalement atterrir à Entebbe Ouganda à 3h30 du matin. Heureusement, le temps a filé car je me suis retrouvé assis à côté d’un ex consultant du BCG qui avait tout quitté pour lancer Kidogo, son NGO au Kenya.

En cherchant un taxi à la sortie de l’aéroport, j’ai rapidement remarqué que j’étais le seul blanc. Un homme bien habillé (trop bien habillé) de l’administration m’a offert ses services pour obtenir un «taxi au meilleur prix» “$ 40 la course” (Nyaka m’avait dit max 25 $) mais essayez de négocier à 4h du mat lorsque tous les chauffeurs savaient que je n’avais pas vraiment d’alternatives… Bonne mise en jambe, je m’en suis bien sorti
#Nyaka, la mission:
Après une longue nuit de deux petites heures, direction Nyaka à l’arrière d’un boda (taxi moto local) qui m’a déposé pile devant l’asso. En deux mots: l’objectif de Nyaka, c’est donner accès à l’éducation et aux soins aux orphelins victimes du sida à travers une approche holistique et communautaire.

Lorsque les parents décèdent, ce sont souvent les grands-mères qui prennent le relais. Nyaka leur donne les moyens de subvenir aux besoins de leur petits enfants à travers de la formation à l’entrepreneuriat, du micro-crédit, des actions de sensibilisation… C’est plus de 700 enfants dans leurs écoles et 6000+ grands-mères accompagnées.

En arrivant dans l’asso, j’ai été très chaleureusement accueilli par l’équipe: Sempa (responsable des finances), Jennifer (directeur du pays) et Shabnam (responsable de notre projet).

Quentin, (qui arrivera malheureusement que vendredi pour des problèmes d’avion) sera mis a contribution sur des missions d’ingénierie: traitement de l’eau, construction,… et il ira à la rencontre des jeunes pour leur parler du métier d’ingénieur et les aider dans leurs choix d’orientation.

Pour ma part, je suis sur une mission de monitoring & de mesure d’impact. A la fin de notre échange Jennifer m’a dit: “ce que j’attends de toi, c’est que tu puisses nous aider à répondre à la question suivante:”What does success look like?” Sacré challenge sur 3 semaines!

#One meeting per day
Dans le cadre de ma démarche de découverte, j’ai contacté un paquet de personnes (entrepreneurs high impact business, fondateurs d’NGO, ambassadeurs, leader locaux…) dans le but d’en rencontrer un par jour. Je vous partagerai certains échanges qui m’ont marqués. J’ai notamment échangé avec Samantha Elghanayan travaillant chez Tugende — high social impact business. Ils proposent des prêts aux conducteurs de bodas pour leur permettre d’acquérir leur motos au lieu de la louer très chère.

Au bout de 19 mois, ils peuvent devenir propriétaire via des remboursements hebdomadaires.Passé cette période, ils peuvent doubler le salaire qu’ils se seraient fait en continuant de louer. Quand elle a rejoint l’entreprise il y a 3 ans, il y avait 300 conducteurs. Depuis, ils sont 6000. La traction était délirante, ils ont fait de la publicité le premier mois et ensuite, c’était du bouche à oreille à 100%.

Débat intéressant: ONG vs. High impact business:
Nous avons eu un débat passionnant avec Samantha sur les avantages et les inconvénients du lancement d’une ONG vs. a high impact company Le véritable avantage d’une ONG, c’est un accès exclusif à des subventions & à des dons en échange d’indicateurs de performance décorrélés de la rentabilité. Cependant, le revers, c’est l’indépendance: les ONGs doivent se conformer aux attentes de leurs donateurs.

Par exemple, Shauna d’Educate m’a expliqué que pour obtenir la subvention d’un grand donateur américain (financement d’un side project d’école dans le nord du pays), elle avait l’obligation de fournir un accès gratuit aux 200 étudiants de l’école. Ils ont dû modifier tout leur business modèle alors que les familles des étudiants étaient prêts à payer.

De plus, une entreprise à fort impact ne porte pas l’image d’une organisation à but non lucratif ce qui implique parfois des sacrifices notamment salariaux de la part du management. Les donateurs sont souvent réticents à financer les opérations et la masse salariale d’une NGO. Pourquoi un entrepreneur avec une vision sociale devrait-il accepter de sacrifier son niveau de vie à partir du moment où son action est ultra impactful? D’un point de vue financier, une entreprise à fort impact doit être rentable et cash efficient day 1. Via mon job chez Blisce, j’ai d’ailleurs remarqué que de nombreuses familles / investisseurs sophistiqués et de tailles importantes défendent de plus en plus des causes spécifiques (climatiques, sociales…) via une allocation impact investing sur laquelle ils cherchent un retour financier plus limité accompagné de KPIs d’impact. Ces high impact business pourraient ils être l’avenir des ONGs? Verra t’on naître un modèle hybride à la croisé des chemins entre high impact business & NGO? L’avenir nous le dira…
J’espère que vous allez tous bien,
Joignable sur what’s app même sur mon boda!
La bise à tous,
Romain
[Newsletter 2] Sur le terrain à Kanungu & Rukungiri
Salut la Familia, les Potos, Blisce & EPIC,
Comment allez-vous ?
Depuis la dernière newsletter, mon frère Quentin m’a rejoint le vendredi 4 août mais non sans encombres avec plus de 5 heures dans les bouchons pour rejoindre Kampala. Tellement bloqué que le driver s’est arrêté au bord de la route à plusieurs reprises pour lui donner quelques cours sur la faune et flore locale !
Une mission mais pas que…
Le lendemain, nous sommes partis passer la journée à Jinga, emplacement connu pour être la source du Nile. Histoire de fêter l’arrivée de Quentin, nous avons expérimenté une descente en rafting de niveau 5. En plus d’un paysage époustouflant de part et d’autre du Nile, nous avons pris 8 rapides dont certaines cascades de plusieurs mètres. Lorsque le raft chavire et que tu passes 15+ secondes sous l’eau, c’est une vraie bouffée d’adrénaline !

Nyaka, collecte des données sur le terrain
Pour mesurer l’impact de Nyaka au sein des communautés de Kanungu & Rukungiri (sud-ouest du pays) et répondre la question : « How does success look like ? », nous sommes passés à la deuxième étape du projet qui consiste à aller chercher la data sur le terrain.


Nous avons eu la chance de pouvoir nous rendre dans des zones extrêmement reculées où les visages pâles ne couraient clairement pas les rues. Cette semaine s’est enchaînée par de multiples rencontres avec les chefs d’établissements du primaire et secondaire de Nyaka, de professeurs, leaders religieux, de clan et de village, représentants du gouvernement, des communautés locales… qui se sont parfois déplacés à plus de soixante personnes pour nous aider à réaliser notre étude.

Ce qui nous a le plus marqué c’est l’implication parfaite des différentes communautés dans la gouvernance de Nyaka. En cas de coup dur pour Nyaka, ce seront des milliers de personnes de tous niveaux hiérarchiques, ethniques et religieux qui apporteront ensemble leur contribution pour y faire face. En parallèle de la collecte de data, Quentin a mis à contribution ses compétences d’ingénieur sur des problématiques de pression dans leur circuit d’eau, en intervenant lors de cours de science physique autour de 4 expériences et en partageant son expérience d’ingénieur avec des étudiants devant faire face à leurs premiers choix d’orientation.
Moments inoubliables :
Communauté de grand-mères
Suite à un échange d’une heure avec une communauté de grand-mères dans le cadre de notre collecte de données, ces dernières nous ont remerciés par une danse accompagnée de chants locaux. Un moment qui restera gravé dans nos mémoires… Je vous laisse apprécier en images !


Live pitching smartphone app
Nous avons été pitché par une équipe Nyaka de 6 étudiantes passionnées de nouvelles technologies qui nous ont présentés leurs innovations et notamment une application smartphone permettant aux patients de ne pas oublier leurs médicaments tout en bénéficiant de conseils de médecins. Proposition de valeur, business modèle, démo… tout y était ! Cette app leur a valu la première place d’un challenge national impliquant toutes les écoles privées de la capitale !

Match de volley-ball
Etant tous les deux fans de volley-ball, nous avons été invités pour un match endiablé à tel point que nous en sommes sortis transpirant. Le terrain était rocailleux, le filet distendu et le ballon usé mais le niveau était vraiment pas mal. Notamment une écolière de 7 ans max jouant en robe et pieds nus qui positionnait toutes ses réceptions d’une précision chirurgicale !

La rencontre de la semaine :
Actuellement en train de lire le livre de Jackson, le fondateur de Nyaka explique les fondements de son initiative suite aux décès de son frère et de sa sœur à cause du « slim » (sida) et introduit la femme qui a insufflé les valeurs de Nyaka. Après avoir construit les deux premières classes, Jackson est allé voir Freda, sa grand-mère de cœur et teacher toute fraîchement retraitée pour devenir la première head teacher de Nyaka. Nous avons eu l’opportunité de la rencontrer, une personnalité rare et vraiment inspirante !

Comment les locaux vivant dans des villages reculés accèdent ils à des prêts bancaires et assurances ?
Dans le cadre d’achats importants (produits ménagers, animaux…), ou lorsqu’ un proche doit se rendre à l’hôpital pour une opération coûteuse, les habitants ayant souvent des revenus très limités n’ont pas accès aux produits bancaires et d’assurances classiques. Ils se sont donc organisés en groupe « de confiance » composés principalement d’une dizaine à une cinquantaine de membres. Chaque mois, les membres se réunissent et définissent les priorités d’achat. Tous les membres contribuent mensuellement dans un pot commun qui est ensuite alloué en fonction des besoins de chacun.

Si par exemple, chaque membre souhaite une chèvre, tous les mois tous les membres en achèteront une dans un ordre définit par un tirage au sort. Dans le cadre des assurances, c’est à peu près le même principe. Le groupe négocie un partenariat en direct avec l’hôpital puis chaque membre paiera des mensualités à ce dernier. En cas de coup dur, la famille concernée sera prise en charge quelques soit le montant des soins. Ces groupes étant basés sur la confiance, il est primordial d’avoir bonne réputation et bien souvent d’être implanté dans la région depuis longtemps.
Continuez de m’envoyer de vos news!
Quent & Rom
[Newsletter 3] Analyse d’impact et Safari
Coucou la familia, Salut les potos, Cher Blisce, Cher EPIC,
Me voilà tout fraîchement rentré de cette nouvelle aventure hors du commun! Mon chançard de frère a pu profiter de quelques heures de plus au bord de la piscine avant de prendre son avion de retour. Voici quelques infos sur nos péripéties de la semaine.
Nyaka — Retour au bercail à Kampala pour enclencher la 3ème phase du projet
Le retour à kampala fut mouvementé car nous avons opté pour un retour en bus local qui s’est avéré être bondé. Lorsque ce dernier s’arrêtait, il fallait mettre sur pied une vraie stratégie pour ne pas perdre de vue nos sacs car au delà des passagers, nous avons vu monter des diseurs de bonnes aventures, des marchands de médicaments miracles, des vendeurs de brochettes par dizaines…. Une fois arrivés, nous avons trouvé une guesthouse canon en dehors de la ville avec une terrain de beach volley sur lequel nous avons par la suite fait des rencontres sympas lors de matchs (joueur de foot pro, chercheur à harvard…).

Cette semaine à Kampala fut particulièrement studieuse dans le but de boucler nos reportings respectifs. Dans le cas de la mission d’analyse d’impact, j’ai consacré les 2 premières journées à consolider les 4100+ data points récupérés sur le terrain auprès des 3 écoles Nyaka et des communautés de Kanaungu & Rukungiri à travers un format que Nyaka continuera d’utiliser pour ses reportings internes & externes.

Je me suis ensuite attelé à la construction des différents dashboards de suivi de KPIs pour finir sur la rédaction d’un reporting de synthèse que nous avons débriefé le vendredi avec l’équipe.

Voici quelques KPIs de performance intéressants.
Nyaka, c’est:
- 786 étudiants différents ayant ou bénéficiant du programme d’éducation de Nyaka depuis 2003 (programme réparti sur 14 ans + université)
- 156k+ d’heures de cours dispensés depuis 2003 (dont 21k heures l’année dernière) par une équipe de professeurs full time ayant atteint 43 personnes cette année
- 1,7M+ de repas distribués au sein de leurs écoles depuis 2003
- 40 étudiants actuellement à l’université
- 54% de filles tous niveaux confondus (13 fois sur les 15 dernières année, il y a eu plus d’écoliers que d’écolières)
- 436K personnes touchées via des émissions radios / visites en 2016 animées par le club de sensibilisation anti AIDS des étudiants Nyaka en primary


Quentin s’est concentré à faire ressortir les principaux risques liés à la constructions des 3 écoles accompagnés de recommandations simples de mise en place. Ses 3 orientations principales concernaient: les fondations de certains bâtiments, la protection des water tank et la sécurité dans les cuisines. Lors du debriefing, il a notamment échangé avec Sempa, le responsable du suivi de tous les chantiers.

Histoire qu’un maximum de staffs puissent participer, nous avons fait notre farewell sur le terrain (juste avant notre retour à Kampala) où nous avons fait découvrir des produits du Nord de la France aux équipes. C’était vraiment sympa car une bonne vingtaine de membres du staff sont venus et nous ont fait un discours très sympa.

Safari inoubliable dans le parc Queen Elizabeth
Étant bien occupés la semaine avec nos missions, nous avons quand même pu faire les gros touristes pendant le week-end. Suite aux recommandations de Shabnam, nous avons déniché le tour opérateur qu’il fallait. Bosco, notre guide, ayant grandi dans le parc, nous a guidé tout en week-end dans son 4X4 avec un toit ouvrant. En plus d’être archi sympa, il avait un réseau de potes incroyables si bien que nous avons pu prendre tous les meilleurs spots.

Il nous a dénichés le léopard qui venait de tuer sa proie, une bande de 7 lions, des éléphants, des buffalos, des crocodiles, des phacochères, des antilopes, des singes… Dès que ton téléphone sonnait et qu’il appuyait sur le champignon, nous passions par le toit ouvrant prêt à repérer le prochain animal!

Cette année encore, une aventure inoubliable surtout que cette fois-ci, frérot était de la partie! Un grand merci à EPIC et notamment Elisa, Alexandre, Nicolas et Charles-henri qui ont rendu cet échange possible!
Bonne journée à tous,
A bientôt,
Romain