Support Opérationnel pendant le Covid-19 en France

[Newsletter 1] Dans les quartiers Nord de Marseille avec Massabielle

Salut à tous,

Comment allez-vous ?

Certains se sont peut-être habitués à des nouvelles au fil de l’eau mais cette année, cette aventure fut très intense et m’a laissé que peu de temps pour rédiger ces quelques lignes. 7h30 – 23h30 non-stop 6,5 jours sur 7! 🙂 Nous devions initialement partir pour une mission de mesure d’impact dans les favelas de Sao Paolo qui fut remplacée par une aventure en plein cœur des quartiers Nord de Marseille. Cette aventure fut particulièrement marquante car il ne s’agissait pas d’entrer dans le quotidien de familles habitant à l’autre bout du monde mais dans celui de françaises et français qui vivent un quotidien vraiment très différent de celui que je vis dans ma petite bulle parisienne.

Pause Café Marine, Matthieu et Romain Sion
Dernier petit café avant le début de l’aventure 🙂 

#L’association Massabielle

Avec trois de mes frères et sœurs, nous nous sommes mis au service d’une association exceptionnelle appelée Massabielle. Installée en plein cœur des quartiers Nord dans le XIIIème, elle partage le quotidien avec chaque habitant du quartier et accueille tous ceux qui passent la porte. C’est un lieu de paix avec une présence chrétienne. Pour mettre et maintenir debout un jeune dans une cité cernée par la violence et la drogue, il faut plus que du soutien scolaire et des projets de réinsertion, il faut faire preuve de beaucoup de respect, d’écoute et de bienveillance. C’est une mission que Massabielle réussit avec succès depuis une vingtaine d’années dans la dizaine de cités aux alentours des lauriers. Une asso chrétienne dans un quartier à 80% musulman… Comment cela peut-il fonctionner ? Réponse dans le prochain numéro 🙂

Massabielle Maison bernadette Marseile
Maison Bernadette Massabielle devant cité les Lauriers
Association Massabielle en bas à gauche – au pied de la cité des lauriers

#La cité des lauriers

Logé à l’association, nous étions situés au pied de l’une des 18 cités appelée les lauriers, une barre d’immeuble  de 14 étages dans laquelle habite un peu plus de 1800 personnes. Cette cité a été construite après-guerre afin de loger « temporairement » les émigrés venus pour aider à la reconstruction de la France. La plupart de ces constructions sont aujourd’hui vétustes et insalubres à l’intérieur. Avec l’extrême droite à la direction de la mairie jusqu’en 2020, les budgets alloués aux projets de rénovation ont été sans surprises… assez maigres. 🙂

D’après Kathy, une doyenne de la cité rencontrée au skatepark, la vie était paisible dans les premières années avant que le trafic de drogue et la violence arrivent. A ce moment-là, toutes les familles qui avaient les finances sont parties. Aujourd’hui, la grande majorité des habitants qui y sont installés n’ont pas les moyens d’aller vivre ailleurs. 40% des habitants aux lauriers sont actuellement au chômage. La plupart des habitants cherchent à s’en sortir (cela passe notamment par les femmes. J’y reviendrai plus tard :-)) mais les obstacles sont nombreux.

Cité les Lauriers Marseille
Vue chambre maison Bernadette Massabielle
Petit aperçu de la chambre avec le frérot – un conseil: dormir avec la fenêtre fermée sinon concert de drift et de moto cross assuré 🙂

#Notre arrivée et la fin des clichés

Je ne vous recommande pas de faire une recherche google sur la cité des lauriers car malheureusement les médias aiment le sensationnel à défaut de parler de ce qui est positif. 100% des articles publiés feront références à des mots clés comme fusillades, incendie, règlement de comptes… C’est une réalité certes mais cela ne représente qu’une petite partie de la vie de la cité.

Etant l’un des plus âgés des volontaires, Nathan le responsable de l’association m’a fait tout de suite comprendre qu’il me confierait des responsabilités. 🙂  Quelques heures après notre arrivée, nous voilà partis en voiture en direction de Brico dépôt afin de préparer le chantier que j’allais animer. Au moment de sortir du parking (en sens inverse mais c’était normal 🙂 ), une grosse Audi Q4 blanche se met en travers de notre chemin et nous fait signe de reculer. Le conducteur habillé comme dans les films de gangsta finit par mettre les gaz, faire un tour de parking à toute allure avant de s’arrêter devant nous. C’est là qu’il nous a gentiment salués avec un grand sourire avant de repartir. C’était surréaliste ! Une fois les salutations terminées, on a fini par m’expliquer que c’était la voiture utilisée pour les Gofast du quartier. Ce jeune, Nathan le connaissait bien. C’était un sportif avec du potentiel qui avait malheureusement décroché à l’école avant de commencer comme guetteur pour le « trafic ». Mon frère a eu une expérience similaire en raccompagnant une grand-mère en fauteuil roulant électrique. La grand-mère a malencontreusement « dégommé » la chaise du guetteur du bloc G sur lequel était posé de la drogue. Mon frère perplexe s’est excusé et le guetteur lui a répondu d’un air amusé : « t’inquiète, c’est pas grave ! ». Le soir, on s’est rapidement rendu compte que nos clichés allaient rapidement partir en éclat et que l’on allait vivre une aventure qui sortirait des préjugés gravés par les images véhiculés dans les médias…

Audi Q4

#UnJourUneRencontre

Durant cette aventure, je me suis lié d’amitié avec Kader, un grand père d’origine algérienne. Très gentil, il venait tous les jours à l’association pour boire le thé qu’il nous proposait avec ses traditionnelles madeleines. Grand fan du real de Madrid, il avait toutes les chaînes de foot possibles et imaginables. Lors du match Real Madrid vs. Manchester, il nous a invités chez lui pour voir le match ensemble. Pendant le match, un volontaire lui a demandé si ça lui posait problème que l’on soit tous catholiques alors qu’il était de confession musulmane. Sa réponse m’a marqué car très simplement, il nous a répondu que cela n’en était absolument pas un. Tant qu’il y a du respect, les religions peuvent cohabiter ensemble. Cela s’est vérifié tout au long de cette aventure. Quelques minutes plus tard, il s’était d’ailleurs éclipsé pour faire sa prière avant de revenir avec une surprise : des glaces ! 🙂

Invitation Match de Foot Kader
Super soirée chez Kader pour le match

Belle soirée à tous,

Marine, Claire, Matthieu & Romain

[Newsletter 2] Les quartiers Nord de Marseille, l’impression de passer une frontière

Salut à tous, 

Comment allez-vous ?

Très rapidement, nous avons pris nos marques et repères au sein de Massabielle et les jours ont filé à toute allure. Ne pouvant être là dès le début de l’aventure, notre petite sœur Claire nous a rejoints à la fin de la première semaine.

#Notre quotidien                                                                                                                                                          

Les journées étaient rythmées par un emploi du temps chargé avec le matin, un temps spirituel et de l’aide pour le fonctionnement de l’association et l’après-midi un temps de service (chantiers, échanges avec les habitants, soutien scolaire, animations avec les enfants…) pour la cité.

Sur le plan spirituel, j’ai particulièrement été marqué par le témoignage du couple responsable de Massabielle à la cité des lauriers (une cité correspond à une barre d’immeubles). Aux Lauriers depuis 8 ans, ils nous ont expliqués que, sans leur foi chrétienne, ils n’auraient jamais pu tenir plus de 6 mois. Ils auraient claqués la porte 100 fois… Un jour, un jeune a manqué de leur tirer dessus au harpon. Une autre fois, les trafiquants les ont enfermés dans les caves de l’immeuble lorsqu’ils avaient pris l’initiative de proposer des jeunes motivés suite à un appel d’offre public. Comment aurais-je réagi à leur place ? En tant que catholique, j’ai beaucoup apprécié les échanges que j’ai pu avoir, notamment avec Gabi, un évangéliste de la communauté gitane ou encore Kader, un musulman pratiquant. Cela a renforcé une de mes convictions profondes : dans le respect, les religions peuvent cohabiter les unes avec les autres.

Echange avec Kader autour d'un thé accompagné de ses traditionnelles madeleines
Echange avec Kader autour d’un thé accompagné de ses traditionnelles madeleines 🙂

Afin de contribuer au bon fonctionnement de l’association, l’aide se répartissait entre l’entretien et  l’intendance. Toutes les grandes surfaces sont maintenant obligées de donner leurs produits périmés aux associations pour éviter le gaspillage. Toutes les semaines, nous allions donc chercher les invendus au Carrefour du coin : c’était la surprise quant aux produits récoltés et s’en suivait alors un important travail de tri et bien sûr de préparation des repas. 100% de la nourriture de Massabielle est ainsi assurée grâce aux dons de Carrefour ! Alors, Merci Carrefour ! 🙂

Collecte des produits périmés et invendus chez Carrefour
La voiture étant fatiguée – Système D avec soeurette pour entrer dans la voiture 

Quant aux temps de services pour la cité, ils avaient lieu l’après-midi avec un créneau dédié aux travaux chez les habitants ou pour la collectivité, puis un créneau avec les jeunes : animations, soutien scolaire et enfin un moment d’échanges, de rencontres avec les habitants, chez eux.               

Pour les travaux, j’étais responsable d’un chantier qui consistait à ouvrir deux classes de 4ème et 3ème, un laboratoire de chimie et une bibliothèque au sein du centre Ozanam. En effet, il y a quelques années, Massabielle a transformé un vieil hôtel particulier devenu un squat et un lieu de prostitution en un collège hors contrat destiné aux jeunes du quartier. Ainsi, avec une quinzaine de volontaires, nous avons retroussés nos manches : ponçage, peinture, pose de plinthes, de tableaux, d’étagères, aménagement etc… afin que les salles soient prêtes pour la rentrée. Le lieu est génial ! C’est là que les enfants de Saïd vont à l’école (prochain épisode :-)).

Chantier de rénovation du centre Ozanam avec l’ouverture de deux nouvelles classes
Equipe de volontaires sur le chantier Ozanam
Pose du tableau au centre Ozanam dans la future classe de 4ème

#Les frontières de la cité

Lorsque nous sommes arrivés pour la première fois dans la cité des lauriers, nous avons eu l’impression de passer une frontière imaginaire, comme si nous changions de pays. Sauf pour aller travailler, les habitants sortent très peu de la cité et les gens extérieurs n’ont pas d’intérêts particuliers à aller y faire un tour. C’est bien ce qui nourrit nos préjugés ! Après quelques jours sur place, nous y avons découvert deux aspects marquants : la précarité et le sens de l’accueil.

Cité des Lauriers – Marseille
Les abords de la cité des Lauriers

J’avais lu que plus d’un tiers des habitants de la cité vivait dans la pauvreté. Cette précarité est d’autant plus frappante une fois sur place. Nous sommes rentrés dans ces grandes barres d’immeubles défraichies. Les cages d’escaliers aux murs délabrés sont taguées à l’intérieur donnant une sensation d’insécurité. Il ne fallait plus s’étonner des cafards dans les chambres et la cuisine de l’association ni des rats très certainement plus nombreux que les habitants des lauriers qui gambadaient de partout…

Petit plan de repérage des habitants des Lauriers 🙂

En revanche, nous y avons rencontré un chaleureux sens de l’accueil rare en France. Lors de nos visites, il nous est arrivé de sonner au hasard chez les gens afin de nous présenter et de proposer un temps de rencontre. Toutes les familles nous ont ouverts avec le sourire et certaines nous ont même invités à prendre le thé. Nous n’oublierons pas Yollande appelée « Tata Yoyo », originaire des Comores qui nous a fait découvrir sa spécialité : le punch coco, ni « Tata Doudou » qui nous a raconté avec simplicité les périples de sa vie qui a commencé par sa mère qui l’avait abandonnée dans une boîte à chaussure. Avec beaucoup d’humour, elle nous a proposés de nous accompagner pour les courses chez Carrefour. Grâce à sa carte de porteur de handicap, elle a un pass VIP incluant une place de parking dédiée, une caisse prioritaire et enfin la possibilité de fumer devant le magasin ! 🙂 Ou encore à la maman de Romain qui nous a expliqués en détail la façon dont la maîtresse de son fils s’était débrouillée pour ne pas laisser tomber les élèves motivés pendant le covid.

#Trafic de drogue et violence                                                                                                                               

Le trafic de drogue et la violence font partis du quotidien des habitants de la cité. La police s’y rend rarement sauf pour les descentes de police. Il y a 2-3 ans à peine, il n’y avait qu’une seule entrée dans la cité et l’emprise des réseaux de trafic était telle que même un agent EDF n’était pas autorisé à rentrer sans montrer patte blanche. Il y a quelques temps, lors d’une visite, un volontaire s’était trompé de porte et a été accueilli par un des chefs du réseau qui avait une arme de guerre accrochée dans son salon. Une autre fois, lors d’une descente de police, deux jeunes se sont échappés en passant par l’association armés de leurs kalachnikovs.

Le réseau est hiérarchisé avec, en bas de l’échelle, les guetteurs puis les vendeurs, les transporteurs de marchandise et d’armes, ceux qui transfèrent l’argent et enfin les chefs intermédiaires… Les têtes de réseaux sont, sans surprise des cols blancs issus de grandes écoles qui ne mettent jamais les pieds dans les cités ! La drogue est cachée chez des nourrices ou des familles qui, de gré ou de force stockent la drogue dans leurs appartements avant qu’elle ne soit vendue dans les cages d’escalier. Les prix et les horaires d’ouverture de ces « magasins » sont, parfois même clairement affichés. 🙂 Lorsque nous rendions visite aux gens, nous privilégions donc les ascenseurs aux escaliers. A part dire « bonjour » aux guetteurs, nous suivions la règle d’or : « on ne se mêle pas de leurs affaires ». 🙂

Magasin avec un nom, des produits clairement affichés avec leurs prix ainsi que les horaires d’ouverture
Il y a même le QR code Snapchat 🙂

Cette violence concerne déjà certains enfants. Il y a quelques semaines, un jeune garçon s’était fait mettre à terre par une fille : une humiliation. Deux groupes s’étaient alors donnés rendez-vous pour s’affronter à coups de pierre. Heureusement, les responsables de Massabielle qui les connaissaient ont pu les raisonner à temps. D’après Nathan, le responsable de l’association, même si la violence est encore bien présente, les cités se sont vraiment apaisées ces dernières années. Cependant, il suffirait d’une étincelle pour la raviver.

#Décrochage scolaire                                                                                                                                                                  

A côté des lauriers, il y a deux lycées avec des professeurs qui font leur possible mais dans lesquels, vous ne mettriez sûrement pas vos enfants. D’après nos échanges, le décrochage scolaire se produit souvent lorsqu’un jeune pense qu’il est nul et bon à rien. Par exemple, lorsqu’un élève ne comprend pas un chapitre en classe et qu’il se fait répéter 1X, 10X… qu’il est bon à rien, il finit par y croire et jette l’éponge. On m’a parlé de jeunes qui, à 10 ans ont déjà la charge de leurs frères et sœurs plus jeunes dans la mesure où leurs parents commencent très tôt ou finissent très tard le soir leur travail. Ils ont souvent de longs temps de transport s’ils travaillent hors de la cité. Le père de Kabal a tout tenté pour éviter à son fils de tomber dans le trafic, il a essayé de le raisonner verbalement. Par désespoir, il a fini par recourir à la force. Un juge lui a dit que s’il recommençait, c’est lui qui finirait en prison. Depuis, son père a lâché prise…

Lycée proche des Lauriers

En parallèle, il y a l’influence des « grands frères » qui approchent les jeunes dès 12-13 ans avec des propositions comme : « Tiens 20€, peux-tu m’acheter une bouteille de coca ? Tu peux garder la monnaie» ou encore « Pourrais-tu me remplacer à mon poste de guetteur quelques heures demain ? ». C’est là que tout commence… Payé entre 300€ et 500€ par semaine pour guetter, les jeunes mineurs se sentent « les rois du pétrole », c’est difficile ensuite de les faire revenir sur les bancs de l’école. Dès 14 ans, certains de ces jeunes pensent déjà qu’ils n’auront pas d’avenir et qu’ils n’ont plus rien à perdre. Malheureusement, c’est souvent à eux que sont confiées les tâches ingrates : disparition de preuves, règlement de compte… En 2015, 3 jeunes de 15, 18 et 23 ans ont assassiné des jeunes aux lauriers… Heureusement, des leviers efficaces existent pour éviter le décrochage scolaire (prochain épisode :-)).

#UnJourUneRencontre

Nous sommes partis un jeudi soir à la rencontre des habitants de la cité des lauriers. L’un des meilleurs spots, c’est entre le skatepark et le terrain de pétanque. 🙂 Nous y avons fait connaissance de Kathy Taleb, l’une des doyennes de la cité d’origine marocaine installée aux lauriers depuis 43 ans. Ayant besoin d’aide pour couper quelques carreaux de carrelage pour sa cuisine, nous sommes partis avec Matthieu lui prêter main forte. Entre deux coupes et un jus lait banane maison, Kathy nous a fait part de ses combats notamment pour décrocher du travail. Avant de tomber sur un patron qui lui donne sa chance, elle avait essuyé une quantité de refus à cause de son nom de famille qui disait-on : « faisait trop « arabe ». Consciente qu’elle n’avait pas fait beaucoup d’études, le plus beau cadeau qu’elle souhaitait transmettre à ses enfants ce sont ses valeurs familiales, de respect des autres et du travail. Pour Kathy, c’est en faisant que l’on gagne sa crédibilité. Parfois, faire des erreurs, c’est bon pour apprendre et devenir meilleur».

Session bricolage chez Kathy avec Matthieu

Belle journée à tous,

Marine, Claire, Matthieu & Romain

[Newsletter 3] De l’espoir et des leviers pour agir dans les quartiers Nord de Marseille

Salut à tous,

On espère que vous allez tous bien. Voici les dernières nouvelles de notre aventure Marseillaise!:-)

#Notre Quotidien Avec Les Jeunes : les activités de rue

Olympic games Bellevue district Marseille Romain Sion
Relais par équipe lors des jeux Olympiques
Olympic games Bellevue district Marseille
Olympic games Bellevue district Marseille Romain Sion
Organisation des grands jeux thématiques le samedi

Tous les jours, en fin d’après-midi, nous partions par groupe de 6-7 volontaires organiser des activités de rue pour les enfants dans l’une des cités avoisinantes. Assigné à la cité Bellevue, nous avons organisé des jeux par équipes ainsi que des grands jeux thématiques comme les jeux olympiques ou l’île des pirates. M’étant déguisé en Rackham le Rouge pour l’occasion, j’ai eu le droit au surnom toute la semaine suivante. 🙂 Ces activités avaient deux objectifs : encourager les enfants à jouer ensemble et engager la conversation avec ceux qui le souhaitaient. Les discussions étaient riches ! Après avoir fait connaissance, certains ont par exemple commencé à poser des questions sur le métier d’ingénieur, les études qu’il fallait faire pour y arriver…

Street activities Bellevue Romain Sion
Petit Selfie avec Ailis, Safrina, Aissa et Cadidja

Ailis, 5  ans m’a particulièrement marqué. Le fait que je me souvienne de son prénom était très important pour lui. Sachant qu’il y avait Ailis, Aissa, Aisser et Aissam dans le groupe, il a rapidement constaté que j’étais en galère. :-)Il m’a donc proposé un challenge. Si l’un d’entre nous deux ne se souvenait plus du prénom de l’autre, alors il devrait faire 10 pompes. On a bien ri ! 🙂 Il aurait clairement pu être mon petit frère ou mon cousin. Ce qui m’a révolté, c’est de me rendre compte des multiples challenges qu’il devra surmonter pour obtenir une trajectoire de possibilités équivalente à celle dont j’ai pu bénéficier. A la naissance, nous ne démarrons clairement pas tous à égalité! Je n’oublierai pas tous ces bons moments passés avec Rama, Aissa, Ailis, Yassine, Safia, Rayana, Djibril, Aaron, Chaimaa, Mohammed, Abder, Jade, Aisser, Stéphane, Sabrina, Aissam, Matisse, Abdu et Cadidja.

#Les Leviers Pour Agir : Le soutien scolaire & l’insertion professionnelle

Centre Ozanam - Massabielle Quartiers Nord Marseille
Cours de récréation du Centre Ozaman
After renovation Massabielle Marseille Centre Ozanam
Salle de classe renovée suite aux chantiers au centre Ozanam 
Street activities Massabielle Bellevue Romain Sion
 Groupe des habitués des activités de rue à la cité Bellevue 

Pour faire face au risque de décrochage scolaire, nous avons pu identifier deux leviers efficaces : le soutien scolaire et l’orientation professionnelle. Au sein de l’association ou directement chez l’habitant, Massabielle propose des cours de soutien. Bien que certains parents n’aient pas fait beaucoup d’études, nous avons rencontré de nombreux parents très impliqués dans le suivi scolaire de leurs enfants. En parallèle, Massabielle a monté le centre Ozanam où nous y avons fait notre chantier. La liste de classe m’avait interpelé car 90% des prénoms étaient compris entre les lettres R et Z. Beaucoup de jeunes veulent travailler mais beaucoup n’ont pas les codes, le réseau et ont du mal à cerner le champ de possibilités qui pourraient s’offrir à eux. Footballeur, rappeur, agent d’entretien ou de sécurité ne sont pas les uniques possibilités. Un accompagnement sur l’orientation professionnelle est la clé.

Massajobs
Massajobs
Massajobs
Sessions d’orientation et de soutien avec Massajobs

Rattaché à l’association, Massajob est un programme d’accompagnement de 250 -300 habitants du quartier à l’insertion professionnelle. On y trouve 2 piliers : « la vie en grand » programme de 2-3 jours visant à ce que les jeunes prennent confiance, identifient leurs talents et leurs rêves. Puis « la route de l’emploi », programme de 15 jours visant à préparer les jeunes aux entretiens (tenue, CV, lettre de motivation, respect des horaires…) et à les aider dans leurs recherches. Nous avons eu la chance de rencontrer Moussa qui avait repris une formation pour devenir maître-chien et qui venait de décrocher un contrat à l’hôpital. En partenariat avec les écoles, Massajob cherche aussi à organiser des témoignages de salariés d’horizons différents auprès des jeunes. 

#Le Sport : Une ouverture en dehors de la cité

Sporting Club Karthala Marseille
Photo d’une des équipes de jeunes du cub de Saïd

Le soir de notre arrivée, il y a eu des feux d’artifices pour la finale du tournoi inter-cité. Chaque cité a son équipe, son maillot et ses supporters. De grands joueurs pro reviennent parfois jouer avec les équipes de leur quartier. Savez-vous pourquoi l’arbitre porte une cagoule lors de certains matches de derby ? 🙂 En cas de coup de sifflet mal interprété, il faut parfois mieux rester incognito à la sortie du stade. :-)Lors d’une activité de rue, j’ai eu la chance de rencontrer Saïd, originaire des Comores et Président du Sporting Club Karthala Marseille qui m’a expliqué les enjeux des clubs formateurs de la cité. Ancien joueur, il a notamment côtoyé Evra, Cissé… Les jeunes prodiges sont identifiés dès l’âge de 5 ans afin d’être formés dans l’optique de peut-être signer un contrat de footballeur professionnel. A partir de 14 ans, tout transfert fait l’objet d’un contrat entre les clubs où la famille touche 81% du montant et le club formateur 19%. C’est en partie grâce au placement de joueurs à l’OM, Bordeaux, Arles… que Saïd a pu développer son club. Pour attirer les jeunes, un des leviers qui fonctionne, c’est la marque des maillots. Très fier, il venait tout juste de lancer un partenariat avec Puma et Kappa.

Sporting Club Karthala Marseille
Nouvelle panoplie de l’équipe de foot

Sachant que peu de jeunes deviendront professionnels, l’objectif de Saïd, c’est surtout de les aider à développer la sociabilité, l’esprit d’équipe, le travail… mais aussi de permettre aux jeunes de sortir de la cité et de voir autre chose grâce aux matchs à l’extérieur. Les plus chanceux ont même pu prendre l’avion pour la première fois. Pour Saïd, le foot permet aux jeunes de rêver et d’avoir des étoiles dans les yeux. Il fait tout pour les pousser à travailler à l’école et à ne pas tomber dans la drogue. Par exemple, il s’est arrangé avec l’OM pour avoir des places pour les matchs qu’il remet aux joueurs méritants aux entraînements et qui ont de bonnes notes. 

#Une Jour Une Rencontre : Invitation chez Roselyne et Mathis

Invitation for dinner Roselyne Massabielle Marseille
Dîner chez Roselyne

Pour notre dernière soirée, nous avons été invités chez Roselyne. Nous sommes venus avec une partie du repas car pour certaines familles, recevoir n’est pas simple car chaque euro est compté. Nous avons passé une super soirée et bien ri avec la démonstration de skate de son fils Mathis qui avait des projets pleins la tête. Nous avons compris que sa mère se sacrifiait en mettant tout de côté pour ses enfants. Avec l’équivalent d’un smic pour 3 personnes, elle avait réussi à envoyer son fils dans une école privée. Elle veillait quotidiennement à ses fréquentations, à son comportement et à ses notes. Tout en admettant qu’elle ne pouvait pas suivre ses devoirs et qu’elle ne comprenait pas toutes les conversations, une chose était certaine, elle se battait avec ardeur pour son fils et son avenir. Résultat : son fils était premier de sa classe. Après quelques minutes d’écriture, Mathis nous a fait un beau cadeau : un freestyle!

En voici une démo :

#Une Aventure Incroyable tout en restant vigilant

Fire Massabielle
Départ de feu au pied du mur de l’association
Weeding Massabielle Marseille
Débroussaillage d’urgence pour éviter que ça recommence 

Cette année encore, ce fut une formidable aventure humaine qui nous a permis de déconstruire nos nombreux clichés sur les cités. Nous y avons découvert un sens de l’accueil exceptionnel ainsi qu’une une belle vision de la mixité sociale dont nous devrions nous inspirer. Je n’oublierai pas les mots d’Amor sur le chemin de Bellevue pour me présenter à un de ses amis qui était musulman : « Ici dans la cité, on ne regarde pas la religion mais on regarde le cœur ». Cependant, il est important de garder à l’esprit que tout n’est pas rose. La précarité et la violence font partie du quotidien. Pendant notre séjour, deux jeunes ont mis volontairement ou involontairement (on ne saura jamais) le feu au niveau du mur d’enceinte de l’association. Marine (ma soeur) s’en est rendue compte à temps et tout le monde s’est empressé de l’éteindre avec les moyens du bord. 8m2 de terrain brûlé en quelques instants. Cela aurait pu tourner à la catastrophe. Le mot d’ordre : rester vigilant. 

Street activities Bellevue district Marseille Romain Sion
Une dernière photo pour la route 🙂

Pour conclure ces quelques lignes, je rentre à Paris avec un mélange étrange de rage et d’espoir. Nous avons été témoins de situations profondément injustes qui nous font prendre conscience de la chance que nous avons. Cette chance, nous n’avons pas le droit de la gâcher.  Mais c’est aussi un sentiment d’espoir en se disant que changer les choses, c’est possible ! De la jungle Ougandaise, à l’une des plus insalubres décharges Indienne, en passant par une entreprise sociale au Cambodge et le plus grand bidonville urbain kenyan, avant d’arriver à Marseille, j’ai eu la chance d’y rencontrer des centaines de citoyens d’horizons les plus divers se battant tous pour un monde meilleur! A ce jour, nous avons toutes les raisons d’y espérer et d’y aspirer. Que vous soyez entrepreneurs, professeurs, étudiants, parents, activistes, politiciens, journalistes, investisseurs…, nous pouvons tous avoir de l’impact à notre échelle. Qu’il s’agisse du choix des produits que nous mettrons dans notre chariot pendant nos courses, des journalistes lorsqu’ils écriront leurs prochains articles sur les cités, d’investisseurs choisissant leurs futurs investissements, d’étudiants lorsque des entreprise agissant contre leurs valeurs leurs feront des offres alléchantes ou d’activistes engagés pour une cause juste mais difficile à défendre, nous pouvons tous agir sur le système à notre niveau! 🙂

Belle journée à tous, 

Marine, Claire, Matthieu et Romain

« At our pace and scale, everyone can aspire to change to world »

Ps : Petite dédicace à mes chers frères et sœurs qui ont accepté de rejoindre cette aventure ! On s’en souviendra longtemps ! 🙂

Family picture Sion Romain